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En haut d'une rue lointaine m'attendait ce poème sans visage, adossé au seuil de sa maison. Que vas-tu faire de tes mains vides? Et que pourrais-tu me donner? Je n'avais rien, fermais les yeux, marchant encore pieds nus, sur la toile d'une terre blonde et friable, sur ses menus roulis, le crissement, de ses murmures mêlés au végétal, un ciel pur renversé glissait sur ma peau, les ondes du fleuve, grises, majestueuses, dilataient leur lenteur dans un parfum de vase, des corbeaux peuplaient le silence, les feuilles chuchotaient dans la petite folie du vent qui roulait par moments sur l'argile.
Tournesols
Le jaune étincelant des tournesols, - qui tirait ses yeux quand passait le train-, ce jaune justement, l'ample douleur sur sa rétine, celui- là, avec sa combustion infime, brûlant de lenteur au soleil, peigné au hasard des nuages, labouré par le poids des ombres, - brûlant à jamais son pollen dans le flot moussant d'un coeur noir, sans cesse déversé-, ce jaune justement, chargé de clarifier, chargé de très hautes purifications, révélées par un sourire rapide, dans le secret d'une éclaircie, la caresse d'un miel précieux, déversé par à coups sur la terre, révélant les tiges fortes, l'armée de tiges, combattantes et droites, portant haut, sans faillir, l'impossible couleur, stupéfiant son âme avide, affamée, aux aguets, ne perdant surtout rien du réel, du précieux réel de métal jaune, - plus proche qu'un bouillonnant soleil-, jaune appliqué sur les encres de sa vie, -marges douteuses quelques lambeaux, d'un paravent mélancolique-, soignant ses plaies d'un grand coup de pinceau, l'étincelant pour toute réponse, la lumière pour unique réponse dans le flamboiement surpris du silence.
Ainsi soit il
Ainsi soit-il sur l'aile, d'un papillon volage, elles sont mille, et si belles, il va dans leur sillage comme un vivant missel ébouriffant ses pages, grave encore, il se pose, tel un accent lointain, sur la bouche des roses, amoureux d'un pistil, son éternel destin d'herbes grises, et d'aurores, un battement de cils dans le pli des corolles, une attente, une fuite, vers la hampe d'un i, vers son l'île, au sommet, ses ailes, immobiles s'étirent doucement.
Palmier
Un palmier, et la brise, lui touffu, avec un pied de fruit, celui de l'ananas, balançant ses oreilles flexibles au vent, la façon de bouger, individuelle, de ces grands pavillons, un troupeau d'éléphants agitant ses palmes, mouvement de pendule très faible du vent, les branches des autres arbres sont immobiles, tout à l'heure, elles iront ensemble, frissonnantes, chahutées dans la même direction, alors que déjà, le palmier danse, agitant ses bras multiples, son projet est secret, on voit bien que ses poignets n'obéissent à rien, ne se consultent pas, le palmier danse, il ressent la brise, ne lui obéit pas, il la fête, il laisse l'obéissance aux autres, lui est un magicien, son urgence est le bleu, il a son rôle dans les grands tourments du crépuscule, dans le rouge surtout il excelle, et se surpasse dans les vertes zébrures, on le croit exotique, quand il est expressif, un acteur enfermé dans une carte postale. Mais qui le voit? Dans les ports,il garde la mer, il garde le silence, il est le cliquetis des mâts, même sans public, l'hiver, il danse.
TOI QUI DORMAIS
Toi qui dormais sur ma cambrure, ô toi mon âme, souviens toi, nous marchions dans les rues de cette ville du sud, tu t’étirais souveraine dans l’excès de mes talons balançant avec moi l’équipage des hanches et de la taille et nous allions ensemble dans l’ivresse du sel qui pendait des balcons. La mer était là , dans les voiles du linge, blanche et molle de nostalgie, dans un rêve immobile qui gonflait de rumeurs, et puis elle s’enroulait aux épingles du ciel, sur le grand horizon elle tordait ses clameurs et sa colère humide nous poursuivait dans les ruelles. Tu m’entraînais, chevauchant ma vigueur, mes jambes dures dans leurs gousses de soie. Tu étais la musique sortie des pierres, les cris rauques des hommes et leurs murmures, tu étais le tourment qui me faisait tenir si droite. Comme en dansant, j’allais vers des musiques incertaines, n’accrochant rien, prisonnière d’une main d’écume qui tirait mes cheveux, d’un souffle qui savait mon nom. La nuit posée, si transparente, les étoiles menues commençaientt à parler, d’une impasse un vieux mur, du fond de ses ténèbres ardentes, jeta sur nous un filet de piments, le vert à l’orange attaché capturant tout. Le vent, dans le silence, dans les mailles luisantes soulevait la couleur, la beauté comestible des flammes ruisselantes qui bougeaient sur ce mur et nous faisait trembler.
A MES AMIS
C’est dans un rêve que je me tiens vous le savez, pliée en 4, 8, 16, 32 dans un mouchoir raidi de sel, où trop de larmes auront séché car j’ai trop fait l’illusionniste pour les colombes et les lapins les petits chiens d’un pauvre cirque de campagne quand s’échappaient de mon chapeau élans sincères et sortilèges jonques de feu sur l’océan que je ne savais retenir. A présent je suis immobile méditant sur le mouvement d’un grand nuage sur la lune qui se répand dans mon jardin et va humecter le silence. Et qu’ai-je fait de tout ce temps? Dans un rêve je me suis tenue pliée en 4,8,16,32 sous un mouchoir et sous les draps nue sous la dalle bientôt les ombres danseront dans un théâtre d’abondance et mes amis furent de ceux qui se taisaient pour écouter le bruissement de mes syllabes sous le vent.
LE CAFE BRULANT
Le café brûlant est un cercle sur le cercle du guéridon signe noir dans la porcelaine l’ amertume répond au soleil la fin d’été dans les feuillages balance ses embrasements l’ombre est bouillante bleue et lourde elle coule sur mes bras dorés mais une feuille rousse et sèche aux doigts serrés comme une main saute du ciel en diagonale et vient mourir tout contre moi. Que pourrais-je espérer de mieux que la surprise qui me frôle le crissement de l’air qui rôde et vient déposer son butin.?
CE GRIS
Ce gris qui emplit le ciel ne connaît rien d’immobile, secoué de vert, frotté de vent sa mélancolie se dilate dans les assauts d’un faux printemps. L’air est glacial, un sourire jaune glisse léger sous la mitraille du froid qui mord, je ne dis rien mais je l’ai vu, toi aussi tu feins la colère mon bel aimé. A moi j’attire le silence il est très lourd, venu de cent morceaux du monde il gonfle en moi pareil à un fleuve de givre, mes yeux sont blancs dans mes cheveux les doux pétales d’un verger sentent la neige. Où irons-nous? Vers quelle étreinte ? L’ amandier pousse entre nos bras. ---
SEULE
Sur un vaisseau de vent, un vaisseau invisible, j'avance, je m’élance vers des turbulences ignorées, certains, les plus fidèles, m' inventent des contours que je n'ai plus, un rêve les guide qui les éloigne, pourtant je leur fais signe, mais ils ne me voient pas, immobile et blanche, ou palpitante dans l'obscur, ou perchée en d'autres lieux, ils me parlent, me parlent d'accidents ordinaires, nous échangeons des mots usés, de vieux draps, nous échangeons des mouchoirs à moucher, des mouchoirs à pleurer, de faux mouchoirs d'illusionniste, nous le savons, nulle colombe n'en sortira, pas même un moineau étourdi, leur présence nourrit mon silence mais ils semblent si sûrs de me connaître et me remercient d'un je- ne-sais-quoi, cherchant ce qui s'envole, le battement d'ailes, oui, ce qui s'échappe, ce qui m'échappe, l'air froissé, comme il vibre, il s'ouvre brusquement, c'est une ombrelle qui claque. C'est une douleur jaune qui marche au soleil et protège le teint d'un insensé.
LE VENT
Un jour où je marchai seule,
un jour sur une route,
un jour n’espérant rien,
ni de l’amant,
ni de l’ami
aux yeux absents,
aux yeux ternis
qui n’avaient pas su voir
l’édifice penché de mon corps,
je rencontrai le vent,
mon meilleur adversaire.
Il vint à moi par plaques nerveuses
déplaçant la lumière
de ses bonds,
l’écoulant
en spirale,
la dérangeant,
frottant le gris
lavant le ciel
de ses excès,
alors,
il me toucha d’un lambeau suspendu,
d’un souffle froid de graminées,
et il lécha mes plaies
de sa langue rugueuse,
avec application,
avec l’amour entier d’un animal
pour son maître,
mais il y mit du sel,
ingrédient nécessaire,
avant de mordre,
mordre,
de toute la froidure de ses gencives,
jusqu’à l’insupportable
excès
de mes paupières closes
de peur que ne s’échappe,
l’aveu de mon silence
comme un cri.
Alors, moi aussi je me mis à courir,
nous courions tous les deux,
moi comme une tempête, une furie, une enragée,
lui surpris, seulement cruel,
irrégulier,
frottant savamment mes oreilles
de ses malédictions bénignes,
de ses imprécations de vagues,
j’entendais par moment les dunes gémir
et des pans de falaise plier.
Le vent m’aime, le vent m’aime, pensais-je alors,
tandis qu’il tordait mes cheveux comme des serpents,
je laissais mes cheveux aller.
Mes cheveux sont libres d’aller avec le vent,
Mais ils doivent me suivre tandis qu’à grandes enjambées je rejoins mon logis,
tandis que je cours, tandis que je déraisonne cherchant l’abri,
la chaleur, la porte qui se ferme.
Au vent je suis infidèle, mais le vent m’est toujours fidèle.
Il veut m’atteindre, il veut mes larmes,
Il me pousse, me pousse, il me connaît,
Il sait qu’en dessous je suis meilleure,
Il doit cogner que la plaie s’ouvre,
Il doit frotter comme un archet,
que la musique soit, dit ce musicien..
Alors il cherche à m’attraper,
ma chair résiste, il veut plus haut,
Il attend.
il attend dans la cheminée.
LE GIVRE
Le givre ce matin comme un hôte inconnu, le soleil en retrait qui frappe d’élégance cette terre rouge, violente, aux plantes rabougries brûlées de parfums âcres, s’élevant à peine sous le galop du vent, le vent qui couche les garrigues, se cogne aux citadelles et balaye le ciel même de son impatience. Mais l’amandier s’accroche et fleurit aux bourrasques, le chêne s’enracine et le cyprès s’étire, toujours plus fin, sa gravité s’imprime dans le creux des chemins. Tout cela est saisi et fixé par le gel. Au carreau, suspendue, je m’oublie; tout cela reviendra, je le sais, le soleil reviendra avec la vie grouillante, oui, bientôt, les couleurs, le geste des couleurs Mais ici, un instant, j’aurais vu , le gel et sa capture, l’illusion attrapée aux cheveux, retenue, la terre enfin, secrète, libérée, sans les métamorphoses, la terre, plus loin que la beauté.
LE CIEL M’EVITE
Parfois l’ombre se couche l’ombre servile partout s’incline tout glisse le ciel m’évite qui précipite les murailles les masses sombres tiennent mes yeux. Qui suis-je alors? Indistincte je poursuis mes contours. Quelque chose se fond avec les briques sourdes et s’abandonne dans le limon jamais pensé. Avec les taloches du vent et les grands coups de son épaule je me noie et je me retrouve il y a la houle les apparences tous les dangers les récifs îles trompeuses rayent ma peau un point de rigueur un diamant hérissé comme une douleur ma boussole mélancolique me sauve à temps. - - -
SOLSTICE
Sans attendre le solstice remuait la ronde des vents et au dehors marchaient des visages tendus vers leur profondeur la ligne s’ouvrait et se refermait éparse et multiple elle se reformait sans rien attendre de la couleur ni du brillant des particules du tourbillon cherchant à se poser sans fin entraîné le mouvement sans explication côtoyant l’amer les clous tendus des funambules pour seule réponse la tension d’une ligne dépassée et qu’importe la durée de la marche s’il fallait voler et s’élever immobile vers le point brillant d’une étoile.
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VELOURS FROID
un velours froid sur ses phalanges trouble ses mots à son regard le vert répond la tige oscille presque imobile sous ses paupières il faut la pluie sourde menue pour le toucher tirer le drap de la douleur il est si lourd comme une économie de larmes mouille sa nuque bénit ses joues soleil humide d'un temps maussade une joie file vers son front nu - - -
La pluie
Sur l'auto immobile, des traînées de nuages, glissent, le soleil sous la peine s'éparpille et revient, il perd son or amer dans le froid de la nuit, pourtant, dans l'air, s'arrête, le goût des fleurs, on attend la pluie. - - -
AINSI VONT LES FEMMES
Ainsi vont les femmes, leur balancement dans l’air trop chaud, quand se lèvent les verres, qu’ils s’entrechoquent, avec cette insouciance, et la brûlure singulière de l’infime, quand tout repose dans l’air froissé, sur le galop d’un vieux moment, le pas léger les ombres glissent sillage clair du cœur qui cogne, c'est une plainte, versée si bas, si doucement, jetée si loin dans la fosse des jours, et tout s'efface, même si demeure la pointe vive, et cette injure à l’édifice d'une beauté qui appareille, d'une nerveuse caravelle, les grappes chaudes de la chair, tombent si juste, comme un accord, qui va cesser, et dure encore, même si demeure la pointe vive, l'épingle nue d’un fin soupir au creux du soir. - - -
SUR CE COTE DU CIEL
Sur ce côté du ciel les rouleaux d’une mer inversée me cherchent j’entends mes pas posés sur le bruit de la ville quelqu’un me suit depuis les ombres grises honteuses fuyant du bec usé des heures jusqu’à l’éclat des lumières légitimes sûres d’elles mêmes qui tombent en couches fines sur les toits et les gens, de la vertu il ne reste que des lueurs mes yeux levés suivent la ligne de ton absence digue qui cède et s’étire en flocons. Des traces se perdent au lointain je mange seule mon pain céleste à ma table nul convive déclaré mais des milliers de solitaires invisibles sous leurs pensées sont attendus à ce banquet, je donnerais cher aujourd’hui pour croiser l’un de ces regards. A cet instant que voyez-vous ? Cette paupière aussi énorme qu’une bouche la voyez-vous ? Et ce cortège fait d’entrailles saignant la nuit avant l’obscur le voyez-vous ? Et la légère caravelle celle qui file sous le vent pour cet amour sur une cime soulevant le vent.
Le corbeau
Ouvrant ses doigts, la rue fila vers un jardin, où chantaient 4 cerisiers, grands et unis comme des frères. Leur chanson rose faisait mal, tournant sur elle dans l’enclos, au sol, elle jetait des pétales. Et le corbeau fixait la femme, lui aussi, posé sur un banc, quelques uns voulaient le chasser, si noir, si noir, en proférant des anathèmes, Il criait trop. Leurs yeux se pressaient vers l’idylle, la fraîche livrée du printemps, cerisiers roses aux doux pétales; lui criait trop, immobile et plein d’arrogance, il ne voulait pas s’envoler, il brillait trop, si noir, si noir, et ressemblait à un diamant à un soleil, si noir, si noir, et le corbeau, fixait la femme, comme lui, posée sur un banc.
Deux fleurs de laurier-rose tombent ensemble, comme un papillon disjoint, sur l'eau tranquille d'un silence, et font des vagues, elle rêve alors, que ses baisers, doux pétales, feront de même sur le corps de son Bien-Aimé.
Seule, sur un vaisseau de vent, un vaisseau invisible, j'avance, affrontant des turbulences ignorées, certains, les plus fidèles, m' inventent des contours que je n'ai plus, un rêve les guide, qui les éloigne, je leur fais signe, ... ne me voient pas, immobile et blanche, ou palpitante dans l'obscur, ou perchée en d'autres lieux, ils me parlent, me parlent d'accidents ordinaires, nous échangeons des mots usés, de vieux draps, nous échangeons des mouchoirs à moucher, des mouchoirs à pleurer, de faux mouchoirs d'illusionniste, nous le savons nulle colombe n'en sortira, pas même un moineau étourdi, leur présence nourrit le silence, ...semblent si sûrs de me connaître, ...merci pour un je- ne-sais-quoi, cherchent ce qui s'envole, le battement d'ailes, oui, ce qui s'échappe, ce qui m'échappe, l'air froissé, comme il vibre, il s'ouvre brusquement, c'est une ombrelle qui claque. C'est une douleur jaune qui marche au soleil et protège le teint d'un insensé.
L’hiver
Un champ, l'hiver, le froid si bleu, de grands oiseaux sont plantés là, sortes de quilles en gris et noir , mais l'un s'envole, les autres suivent, et leur bruit d'ailes, avec éclat, est le signal d'un jour possible. — — —
Azur
C'est un azur changeant, ô ma mémoire, le bleu entre les palmes, les palmes extasiées de chaleur, où là-bas, sur la route, qui tremble d'illusion, la poussière éternelle voyage — — — L'oubli des mots. Un trait vert organique sommeille sous la porte qu'on ne poussera pas. La flèche d'une voix, sa précieuse durée étonne le silence. Dans le suint de sa laine la parole s'avance Tout est vivant, dit la pierre emplumée, qui tombe, abrupte, et s'élève à nouveau. — — —
Entre ses doigts la lune pâle et sa cambrure devinée, ce silence est une blancheur par où s'impriment les images, des pas d'oiseaux vives entailles tracent un chemin à son cœur lourd la clarté déchire ses voiles des noces gonflent dans l'obscur